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LE CHIEN ET LES CHACALS......
Du coquin que l’on choie, il faut craindre les tours
Et ne point espérer de caresse en retour.
Pour l’avoir ignoré, maints nigauds en pâtirent.
C’est ce dont je désire, lecteur, t’entretenir.
Après dix ans et plus d’homériques batailles,
De méchants pugilats, d’incessantes chamailles,
Un chien estoit bien aise d’avoir signé la paix
Avecque son voisin, chacal fort éclopé
A l’allure fuyante, que l’on montroit du doigt,
Qui n’avoit plus qu’un oeil, chassieux de surcroît,
Et dont l’odeur, partout, de loin le précédoit.
Voulant sceller l’événement
Et le célébrer dignement,
Le chien se donna grande peine
Pour se montrer doux et amène.
Il pria le galeux chez lui,
Le fit entrer, referma l’huis,
L’assit dans un moelleux velours
Et lui tint ce pieux discours :
« Or donc, Seigneur Chacal, vous êtes ici chez vous !
Profitez, dégustez, sachez combien je voue
D’amour à la concorde nouvelle entre nous !
Hélas, que j’ai de torts envers vous et les vôtres,
Et comme je voudrois que le passé fût autre !
Reprenez de ce rôt, goûtez à tous les mets,
Ne laissez un iota de ce que vous aimez ! »
L’interpellé eut très à coeur
D’obéir à tant de candeur.
La gueule entière à son affaire,
Il fit de chaque plat désert
Cependant que son hôte affable
Se bornoit à garnir la table.
Puis, tout d’humilité et la mine contrite,
En parfait comédien, en fieffée chattemite,
Il dit : « Mais, j’y songe, mon cher,Nous voici faisant bonne chère
Quand je sais là, dehors, ma pauvrette famille :
Mes épouses, mes fils, mes neveux et mes filles,
Mes oncles et mes tantes que ronge la disette,
Toute ma parentèle tant nue que maigrelette.Allons-nous les laisser jeûner jusqu’au matin ? »
« Certes non ! » répliqua, prodigue, le mâtin,
Qui se leva, ouvrit, et devant qui passèrent
Quarante et un chacals parmi les moins sincères.
Sans tarder cliquetèrent les prestes mandibules
Des grands et des menus, même des minuscules.
Ils avoient tant de crocs, de rage et d’appétit,
Ils mangèrent si bien que petit à petit
Les vivres s’étrécirent comme peau de chagrin
Jusqu’à ce qu’à la fin il n’en restât plus rien.
Ce que voyant, l’ingrat bondit :
« Ah ça, compère, je vous prédis
Que si point ne nous nourrissez
Et tout affamés nous laissez
Tandis que vous allez repu,
La trêve entre nous est rompue ! »
Ayant alors, quoi qu’il eût dit,
Retrouvé forces et furie,
Il se jeta sur son mécène,Et en une attaque soudaine
il lui récura la toison,
Aidé de toute sa maison.
Puis, le voyant à demi mort,
De chez lui il le bouta hors.Et l’infortuné crie encore
«La peste soit de mon cœur d’or ! »
Retenez la leçon, peuples trop accueillants :À la gent famélique, point ne devez promettre.
Ces êtres arriérés, assassins et pillardsMarchent en rangs serrés sous le vert étendard.
Vous en invitez un, l’emplissez d’ortolans,Et c’est jusqu’à vos clefs qu’il vous faut lui remettre.
Jean de LA FONTAINE
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Commentaires
Je crois que dans le fond, le chien a confondu bonté et mièvrerie... Il est parfois difficile de deviner l'ingrat et l'opportuniste derrière celui à qui on veut se montrer tout bonnement humain. Plus que jamais d'actualité, bisous et douce journée
j'ai découvert cette fable par pur hasard...la fin était certes à prévoir..
je suis tres sociale tu le sais mais là se prendre un shoot et laisser sa maison non... il y a de l'abus en toute chose
et nous sommes en plein dedans, j'ai participé à la collecte alimentaire tu vois mais qq fois quand j'entends certaines choses je crie NON BASTA
allez Noctamplume bonne journée etgros bisous
@Paradisalia
trop c'est trop non ?? et maintenant la Grèce à qui on a versé la somme promise qui va aller dans ce puits sans fond qu'est le tonneau des Danaïdes...
quel monde ...
je t'embrasse et belle journée sans pluie ..
@Esclarmonde
bonté et bêtise ..... je suis bonne et sociale et mais bête, je fais tres attention aux yeux des gens qui sollicitent bien que ce soit mal vu et qu'un couteau est vite sorti... ici à Marseille et ailleurs tu me diras
savoir à qui l'on a affaire ... importante opération à apprendre ... se lit dans les yeux..
je t'embrasse et passe un belle journée Esclarmonde
Il faut souvent mettre des limites lorsqu'on donne sinon on se fait manger tout cru ;)
Bon mardi Joëlle Bisous
Bonsoir Joëlle,
Il est bon d'avoir un coeur, en société, tout comme il est bon, de se montrer prudent en toute chose...beaucoup d'âmes charitables, se sont fait ainsi piéger...Merci d'avoir partagé ce texte, fable, de Jean de la Fontaine. Belle soirée Joëlle, toute mon amitié, bisous, Corinne (Cronin)
une fable que je ne connaissais pas et qui est d'actualité.
être bon c'est une qualité mais être ( con ) c'est autres chose
bisous et merci
oh que oui Line, je ne la connaissais pas non et je l'ai découverte par hasard elle a été écrite en 1668
je ne l'ai pas trouvée dans mes recueils de La Fontaine mais elle existe en vieux françaiscomme je l'ai copiée
tout à fait d'actualité elle porte aussi une leçon .... comme tu dis être bon certes.. être con.. que nenni...
je t'embrasse ma Line, belle soirée
@Corinne
tu sais ma Corinne, je ne suiis pas raciste mais certaines choses me hérissent comme voir des jeunes gens français de France dormir dans la rue et manger aux restos du coeur alors que des français d'adoption sont logés par les DAL et autres assos à but non lucratif loi 1901 : laisse moi rire... je ne connais personne qui travaille pour la gloire
j'ai participé le WE dernier à la collecte de la banque alimentaire, je fais don de mon temps mais je ne suis pas conne au point de sacrifier mon argent à des profiteurs de toutes couleurs j'ai un fils et il passe avant tout
et cette fable que j'ai rencontrée par hasard tombe à pic pour que je me défoule un peu...
je t'embrasse tres fort, belle soirée ma Corinne
@Jackie
tres justement raisonné : je suis comme toi gentille humaine mais pas bête..et puis de toute façon nous ne pouvons pas éponger toute la misère du monde .... oui quelqu'un l'a dit avant moi ...
je t'embrasse Jackie belle soirée
oups...déjà en ce temps là jean de la fontaine était voyant ...on ne peut pas prendre toute la misère du monde sur soi même si on est touchés par cette pauvreté mais ya des limites à la gentillesse ..gros bisousss joelle
hé oui ma Marithé, meme tres social c'est ce que nous pensons tous... trop c'est trop..
à l'époque de La Fontaine c'était pas des étrangers mais des gaulois morts de faim...qui sollicitaient... quand meme une différence
je t'embrasse, passe une belle soirée
Oui, il faut être généreux, mais ne pas se laisser exploiter?. Jolie fable que j'avais oubliée. Bisous
tout à fait je pense que c'est la déduction de tous, je ne connaissais pas cette fable qui n'est pas a laisser trainer dans toutes les mains
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Un texte qui donne énormément à réfléchir et je me doutais de la chute dès les premières lignes.
Toujours d'actualité, cette situation nous met en porte à faux entre notre bon coeur, les limites de la gentillesse et du don.
Bisous et bonne journée Joëlle
Le Noctamplume