• MINERAI NOIR - HYMNE AU PEUPLE NOIR

     

    MINERAI NOIR  - HYMNE AU PEUPLE NOIR

     

     

     

    Quand la sueur de l'Indien se trouva brusquement tarie par le soleil
    Quand la frénésie de l'or draina au marché la dernière goutte de sang indien
    De sorte qu'il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d'or
    On se tourna vers le fleuve musculaire de l'Afrique
    Pour assurer la relève du désespoir
    Alors commença la ruée vers l'inépuisable
    Trésorerie de la chair noire
    Alors commença la bousculade échevelée
    Vers le rayonnant midi du corps noir
    Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
    Dans l'épaisseur du minerai noir
    Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
    Au moyen d'obtenir quelque alliage précieux
    Avec le métal noir tout juste si des dames ne
    Rêvèrent d'une batterie de cuisine
    En nègre du Sénégal d'un service à thé
    En massif négrillon des Antilles
    Tout juste si quelque curé
    Ne promit à sa paroisse
    Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir
    Ou encore si un brave Père Noël ne songea
    Pour sa visite annuelle
    À des petits soldats de plomb noir
    Ou si quelque vaillant capitaine
    Ne tailla son épée dans l'ébène minéral
    Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
    Dans les entrailles de ma race
    Dans le gisement musculaire de l'homme noir
    Voilà de nombreux siècles que dure l'extraction
    Des merveilles de cette race
    Ô couches métalliques de mon peuple
    Minerai inépuisable de rosée humaine
    Combien de pirates ont exploré de leurs armes
    Les profondeurs obscures de ta chair
    Combien de flibustiers se sont frayé leur chemin
    À travers la riche végétation des clartés de ton corps
    Jonchant tes années de tiges mortes
    Et de flaques de larmes
    Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
    Comme une terre en labours
    Peuple défriché pour l'enrichissement
    Des grandes foires du monde
    Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
    Nul n'osera plus couler des canons et des pièces d'or
    Dans le noir métal de ta colère en crues.

     

     

     

    René Depestre, Minerai Noir, 1956

     

     

     

     

     

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